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Blog de jean Yves Petit

« Le TGV Lyon-Turin ? Il ne sert à rien »

28 Décembre 2011, 08:23am

Publié par jeanyvespetit

Pour nourrir notre réfexion à l'aube de l'année 2012, cet article de Rue 89 http://blogs.rue89.com/storitalia/2011/12/25/le-tgv-lyon-turin-il-ne-sert-rien-226075 à propos du projet "Lyon/Turin".

Nous aurons, sans aucun doute, l'occasion d'y revenir ...

 
Par Flora Zanichelli
Journaliste
Publié le 25/12/2011 à 04h49

 

 

Mardi 20 décembre, dans la plus grande discrétion, s'est conclue la première partie de l'accord financier franco-italien pour la construction de la ligne TGV qui reliera Lyon à Turin. Cet accord est le plus important sans doute, car la réalisation de cette première phase de travaux conditionnera la seconde.

Le lancement de ce projet est à l'origine, cette année, de coups d'éclats à répétition à la frontière franco-italienne. Le 3 juillet dernier, une manifestation pacifique était organisée par les habitants du Val-de-Suse. 6 000 personnes étaient présentes selon les chiffres de la police. La vallée s'est transformée en véritable champ de bataille. Au moins 188 policiers et carabiniers et une quinzaine de manifestants ont été blessés, selon la police. Le chantier avait même été interrompu provisoirement.

Ces faits ont marqué l'opinion publique et attiré l'attention des médias sur cette petite vallée tranquille, à travers les débordements des « Black blocs ». Mais ce ne devrait pas être la meilleure raison pour parler de ce chantier.

Les raisons de la guerre au TGV Lyon-Turin

La bataille anti TAV (« treno alta velocita » = train grande vitesse) dure depuis dix ans. En 2001, un traité franco-italien est signé pour construire une ligne ferroviaire pour ouvrir le Piémont à l'Europe. Jugée stratégique pour le réseau européen, cette ligne TGV reliera Lyon à Turin et raccourcira le trajet entre Paris et Milan à quatre heures contre sept actuellement.

Mais elle suscite une forte opposition dans le Val-de-Suse. Sur quarante communes, seules dix-huit sont aujourd'hui en faveur du TGV.

Un comité NO TAV s'est formé. Ses membres regroupent citoyens et associations (d'obédiance « verte » : Pro Nature Turin, Cercle Verts - Economie et écologie). Voici pourquoi ils refusent la construction de cette ligne :

  • son inutilité : elle est injustifiée car l'importance du trafic de passagers et de marchandises n'est toujours pas prouvée ;
  • son prix : pris sur les dépenses publiques, il pèsera sur les générations futures en rognant les dépenses dédiées à l'école, la santé, les retraites et l'Etat social ;
  • elle favoriserait la croissance des liens entre partis, entrepreneurs et mafia : « Un cancer dans notre pays que les grands ouvrages alimentent. » ;
  • elle aurait un impact dévastateur et irréversible sur le territoire traversé et provoquerait des dommages irréversibles sur l'environnement et la santé des citoyens.

Les Italiens seraient sûrement contents de lire le titre de l'article du Progrès de mardi dernier : « Le TGV Lyon-Turin enfin sur la bonne voie ». Il y a comme une petite... dissonance.

Des trains à moitié vides et un désastre écologique

Du côté italien, cela fait depuis longtemps que l'on s'interroge sur l'utilité du projet. La TAV Lyon-Turin servira-t-elle vraiment à quelque chose ? L'été dernier, le journal L'Espresso écrivait :

« Elle coûtera plus de 14 milliards d'euros. Mais le trafic est en chute libre depuis des années. Voilà comment, avec ou sans protestation, de nombreux experts commencent à se poser des questions. »

Dans L'Espresso de ce vendredi, l'éditorialiste Marco Travaglio, dans une tribune adressée à Corrado Passera, ministre du Développement économique, avec délégation aux Transports et aux Infrastructures du nouveau gouvernement Monti, a résumé le regard transalpin sur les travaux :

« La Lyon-Turin a été pensée en 1991, quand on prévoyait une augmentation du trafic de passagers entre l'Italie et la France de 1,5 à 7,7 millions en dix ans. Aujourd'hui en revanche, il paresse à hauteur de 7 800 mille.

Le trafic de marchandises entre la France et l'Italie, selon l'Office fédéral des transports suisses (OFT), s'est écroulé de 8,6 millions de tonnes en 2000 à 2,4 millions en 2009.

Sur la ligne historique entre Turin et Modane, les trains avancent à moitié vides : ils pourraient transporter jusqu'à 20 millions de tonnes quand ils n'en transportent que 8 millions.

Pour les travaux, il faudra creuser 80 kilomètres de tunnel dans la montagne (riche en amiante et en radioactivité), tout ça avec un chantier qui date d'il y a au moins 15 ans et un coût de 22 milliards d'euros. »

Ces constatations avaient déjà fait l'objet d'un épisode de l'émission Report diffusé au mois de septembre dernier. On y voyait les trains voyager vides, dans un grincement presque cynique.

Dans cette précieuse émission, l'équipe de Milena Gabanelli grâce au formidable travail d'enquête de la journaliste Stefania Rimini, avait réussi à récupérer des documents importants.

« Selon le groupe des promoteurs et selon les deux gouvernements français et italien, la ligne grande vitesse Lyon Turin, est indispensable pour retirer de la route 40 millions de tonnes de marchandise dans les prochaines années.

Etrangement, dans une étude commandée par les mêmes, on lit que la construction de la Lyon Turin autorisera un transfert de seulement 1 % des marchandises sur la voie ferrovaire.

Le comité promoteur de la Lyon-Turin dont font parties les associations d'entrepreneurs et les grands communes de Turin à Trieste et dirigé par Sergio Pininfarina a une réponse à tout. Par exemple pour l'uranium (* qui serait présent dans la roche) ? Il n'y en a pas. »

La journaliste constate dans un rapport de la commission intergouvernementale que « les conditions de faisabilité économique de ce projet n'existe pas, ses coûts dépassent ses bénéfices ».

La blogueuse Debora Billi s'interroge :

« Les travaux seront réalisés en deux tranches. Mais ce n'est même pas dit. La légereté du projet est que la seconde tranche reste une hypothèse.

Ce qui signifie que les travaux seront réalisés en deux phases et les chantiers de la seconde phase seront ouverts seulement s'ils sont retenus comme nécessaires. »

Le travail de Stefania Rimini a été réquisitionné par la magistrature italienne. Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi construire une ligne qui ne servirait à rien ? La France, même si elle participe à moindre hauteur que l'Italie, paiera aussi pour ce chantier.

Dans la Péninsule, un chantier de cette ampleur n'est pas une première. Depuis plus de trente ans, l'autoroute qui relie Salerne à Reggio di Calabria, est en travaux. Au point que pour dire « Les poules auront des dents », on préfère « Quand la Salerno Reggio di Calabria sera finie ». Le remplacera-ton un jour par « Quand le chantier de la TAV sera fini ? ».

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